Dimitri Storoge : "Molière est un génie absolu !"

Vulnérable, visionnaire, courageux : le Molière de Jacques Malaterre n'a rien à envier à celui que l'on connait. Dans "Brûlez Molière !", un docu-fiction diffusé le 13 mai 2019 sur France 2, le réalisateur et l'acteur Dimitri Storoge, qui campe le dramaturge, nous invitent à rencontrer l'un des plus grands artistes français sous un nouveau jour.

Dimitri Storoge : "Molière est un génie absolu !"
©  Gilles Scarella – FTV – BONNE PIOCHE

Acteur prolifique au cinéma comme à la télévision, Dimitri Storoge se glisse dans les habits de lumière de l'illustre Jean-Baptiste Poquelin dans le docu-fiction de Jacques Malaterre, Brûlez Molière !  diffusé sur France 2 à 21h05, juste avant la 31e Nuit des Molières, présentée par Alex Vizorek des Folies Bergère le 13 mai 2019. Après avoir campé un gangster incontrôlable chez Cédric Klapisch dans Ni pour ni contre, un docteur humaniste dans Belle et Sébastien de Nicolas Vanier, Dimitri Storoge interprète l'une des plus grandes figures du théâtre français : Molière. Un registre classique qui n'effraie pas cet ancien élève du Cours Florent et du Conservatoire, avide de défis.  

Le Journal des Femmes : Comment l'opportunité d'interpréter Molière durant la plus sombre période de sa vie est arrivée à vous ?
Dimitri Storoge :
Le directeur de casting m'a vu au théâtre dans La Révolte, que je jouais aux Déchargeurs. J'ai passé les essais avec Jacques Malaterre (le réalisateur, ndlr) qui m'a ensuite proposé le rôle parmi la quinzaine d'autres acteurs. Un parcours assez classique, en somme, sauf que là, j'ai eu la chance de travailler avec Jacques et qu'on s'est choisis tous les deux. 

Comment s'est déroulé le tournage, en Bourgogne ? 
Dimitri Storoge :
Très bien ! Malheureusement, dans les châteaux, à n'importe quelle saison, on se caille les miches ! (rires) Mais on ne peut pas parler de conditions difficiles de vie, lorsqu'on fait le métier qu'on aime et qu'on joue Molière dans un téléfilm comme celui-ci. 

Comment avez-vous préparé votre rôle ?
Dimitri Storoge :
Nous avons eu trois semaines de répétitions avec tous les acteurs à Paris, ce qui a créé un esprit de troupe ! Ensuite, des professeurs de la Sorbonne sont venus nous aider à perfectionner notre jeu en nous expliquant comment faire une révérence dans les règles de l'art et comment dire les alexandrins comme à l'époque, des cours de maintien... Des détails très significatifs et codifiés qui en disent long sur l'interaction entre les personnages. Je me suis également replongé dans les œuvres de Molière, que je n'avais pas relues depuis mes années au Conservatoire. 

"Molière pouvait se lever de mauvais poil !"

Vous l'avez redécouvert ? 
Dimitri Storoge :
Oui, parce que je l'ai relu différemment, avec plus de maturité. Je me suis rendu compte de son génie absolu. Pour moi, il y a 3 Molière : celui que l'on apprend à l'école, barbant et poussiéreux, celui que l'on joue sur scène, qui est intense et beau, et celui que j'interprète dans le biopic. J'ai redécouvert l'acuité sociale et politique de cet auteur et la qualité de ses punchlines démentielles. (rires) J'étais passé à côté de tout cela ! Quand on joue un génie, il faut l'humaniser au maximum et ne pas étouffer son interprétation par la grandeur d'artiste, qui reste un homme avant tout. Quand Molière était amoureux, il aimait à sa manière et il pouvait se lever de mauvais poil.    

Avez-vous ressenti une certaine pression quant à votre rôle ? 
Dimitri Storoge :
 Non, car cette période de la vie de Molière décrite dans le docu-fiction a été validée par Georges Forestier, professeur à la Sorbonne et auteur de la dernière biographie de Jean-Baptiste Poquelin, intitulée Molière (Ed. Gallimard). Dans cet ouvrage, on découvre une vision différente du dramaturge. Je joue donc un personnage dont chacun à une idée arrêtée mais qui est autre chose. Certains diront que mon Molière n'est pas le leur, mais c'est le parti que Jacques Malaterre et moi avons pris. La pression reposait sur ce que je pouvais proposer de mieux pour ce téléfilm et non pas sur les critiques extérieures.

Molière est adulé par certains comédiens pour son courage. Il s'est battu pour pouvoir vivre de son art et a attendu cinq ans pour pouvoir rejouer son Tartuffe. Jusqu'où seriez-vous prêt pour votre liberté artistique ? 
Dimitri Storoge :
Je ne sais pas... La liberté ne se place pas au même endroit à 20, 30 ou 40 ans. Le plus compliqué est de rester fidèle à ce que l'on est et à ce que l'on pense être juste pour soi. C'est ce que j'essaie de faire. Molière va jusqu'à mentir au Roi, il prend des risques et c'est un très bon stratège doté de courage. Ce serait prétentieux que de dire qu'on serait capable de suivre ses traces.  

Auriez-vous aimé vivre à son époque et côtoyer Lafontaine, Boileau..? 
Dimitri Storoge :
Quelque part, j'ai vécu à l'époque de Molière et j'ai côtoyé ses amis et Louis XIV. De manière fictive, certes, mais c'est le grand luxe et la magie de ce métier. J'ai vraiment beaucoup aimé le faire, c'était cool ! 

"Les combats de Molière sont toujours d'actualité !"

L'un des sujets de Brûlez Molière! fait écho au débat autour de l'humour et du pouvoir du rire. Pensez-vous que l'on puisse rire de tout ? 
Dimitri Storoge :
On doit rire de tout ! Cette fiction est avant tout un thriller politique, dont l'un des grands intérêts est d'aborder cette idée et ce combat. Il faut continuer à se battre.

Du XVIIe au XXIe siècle, la question fait toujours grincer des dents... 
Dimitri Storoge : 
Il y a des périodes de réminiscence et de chute qui nous prouvent que c'est un combat immuable. Et c'est là où l'on se rend compte du génie de Molière : ses pièces sont toujours jouées 350 ans après et ses combats sont au cœur de l'actualité. Molière a compris quelque chose de l'âme humaine et c'est grâce à cela qu'il est passé à la postérité.  

Brûlez Molière! de Jacques Malaterre avec Dimitri Storoge, Jules Pelissier, Cosima Bevernaege, Agathe de La Boulaye (durée : 90 minutes) suivi de la 31è Nuit des Molières le 13 mai 2019 sur France 2.