Bruno Solo : "Je joue au vieux con et au jeune sage, il m'arrive aussi de péter les plombs"

En plus d'être acteur, réalisateur et scénariste, Bruno Solo ajoute une corde à son arc et produit la fiction haletante "Tout Contre Elle", diffusée le 12 avril à 20h50, sur Arte. Le long-métrage, réalisé par Gabriel Le Bomin et porté par Astrid Whettnall, Patrick Timsit et Sophie Quinton, aborde la lutte des classes de façon subtile : un sujet qui tient à cœur à ce comédien issu d'un milieu modeste. Entretien.

Bruno Solo : "Je joue au vieux con et au jeune sage, il m'arrive aussi de péter les plombs"
© Zabulon Laurent/ABACA

Acteur, réalisateur, producteur, scénariste : Bruno Solo est un véritable touche-à-tout. Sa carrière débute en 1990, grâce à son compère Yvan Le Bolloc'h, animateur de l'émission Télé Zèbre à l'époque, qui lui propose de co-animer le programme. Puis vient le succès avec la série Caméra Café... Grâce à ce véritable coup de projecteur, le comédien enchaîne les rôles au cinéma avec Au bistro du coin, la Vérité Si Je Mens ou encore Brèves de Comptoir. Sa dernière production, Tout Contre Elle, diffusé le 12 avril, à 20h50, sur Arte est l'adaptation du roman Spirales de Tatiana de Rosnay. Elle raconte le désarroi d'Hélène, épouse d'un riche industriel, qui découvre le corps sans vie de son amant et se retrouve empêtrée dans un hourvari de chantages et de menaces. Une fiction réalisée par Gabriel Le Bomin et portée par Astrid Whettnall, Sophie Quinton et Patrick Timsit. "C'est l'un des plus beaux portraits de femmes que vous pourrez voir à la télévision", nous explique-t-il. Entretien avec un passionnant passionné.

Le Journal des Femmes : Qu'est-ce qui vous a séduit dans ce roman de Tatiana de Rosnay que vous avez adapté en film ?
Bruno Solo :
Cette histoire a débuté il y a 9 ans très exactement, vous vous rendez compte ? C'est à ce moment que mon associée est tombée sur l'ouvrage et m'a dit : "Bruno, j'ai VU un livre !" Il y avait un pitch formidable de départ : cette femme qui n'a jamais fait d'écart sentimental dans son mariage, et qui trompe son mari avec un amant de passage, qui, manque de bol, meurt sous ses assauts libidineux répétés. Malgré tout le respect que nous devons à Tatiana de Rosnay, nous nous sommes permis de lui demander s'il était possible de modifier un peu le récit.

À quel point avez-vous dû changer le récit ?
Bruno Solo : L'évolution des deux personnages féminins nous semblait moins intéressante à la lecture que l'idée que l'on s'en faisait au départ. Quand on dit "adapter c'est trahir", en effet, c'est un peu ça. Par exemple, nous avons changé la fin qui ne nous satisfaisait pas. Tatiana de Rosnay a joué le jeu.

Pourquoi avoir adapté ce film sur petit écran ?
Bruno Solo : Nous voulions le monter sur grand écran, mais le film n'a pas suffisamment suscité d'intérêt pour le cinéma. On s'est donc dit qu'il fallait le faire sur Arte parce que la fin, sans la dévoiler, ne semblait pas tout à fait convenir aux canons des productions France Télévisions ou TF1. Il était donc bien de proposer ce film à une chaîne qui aime à ce point les auteurs et réalisateurs.

Arte a-t-elle été un partenaire efficace dans le processus de fabrication du film ?
Bruno Solo : Absolument. Arte va dans le sens de la liberté de l'auteur. Parfois, ils se sentent tellement "auteurs" qu'ils proposent des pistes. Un jour, on a demandé une rallonge pour le décor de la maison, qui coûtait un peu cher. Ils ont un peu tiqué au début, mais lorsque l'on a précisé que 80% du film était tourné dans cette maison, ils ont fait le petit chèque en plus, parce qu'ils ont senti que ce n'était pas juste une "coquetterie". Pour autant, ce n'est pas une chaîne de copains, parce qu'on leur a proposé un projet il y a peu de temps et ils nous ont "envoyé chier" (rires).

De quel genre de projet s'agissait-il ?
Bruno Solo : Je ne peux pas trop en parler pour ne pas le griller sur d'autres chaînes, mais c'était un projet de téléfilm avec une ÉNORME star qui ne fait jamais de télévision... Malgré ça, Arte a quand même refusé : ils valorisent la qualité et ils ne sont pas intéressés par le buzz ou le niveau de célébrité d'une personnalité. La preuve : lorsque nous sommes arrivés avec une autre comédienne pour Tout Contre Elle , une formidable actrice de cinéma dont je ne peux pas dévoiler le nom (par élégance et non par peur de réprimande), ils ont dit qu'ils préféraient en voir une autre. J'ai eu peur qu'ils veulent quelqu'un d'encore plus bankable mais en fait, ils trouvaient juste qu'elle ne correspondait pas au projet. Ils sont donc partis chercher Astrid Whettnall, une magnifique actrice, mais on ne va pas le cacher : le grand public ne la connaît pas encore. Ils l'avaient vue dans certains films et ils l'avaient trouvée formidable, c'est aussi simple que ça !

"Je suis devenu comédien en venant d'un milieu où c'était loin d'être gagné"

Dans Tout Contre Elle, y a-t-il un personnage dont vous vous sentez particulièrement proche ?
Bruno Solo : J'aurais tendance à m'identifier davantage au personnage de Sophie Quinton (Alice), la femme de ménage qui fait chanter Hélène, car je viens de milieu modeste, comme elle, et en même temps, je ne me serais jamais permis d'utiliser le chantage pour m'approcher de mes rêves. Pourtant, je les ai effleurés : je suis devenu comédien en venant d'un milieu où c'était loin d'être gagné. Mes parents étaient extrêmement érudits et curieux, mais c'était la galère à la maison. Mon père était ouvrier en bâtiment et ma mère était femme au foyer. Le personnage d'Alice me touche : elle est un peu monstrueuse dans la froideur des méthodes qu'elle emploie, mais au bout d'un moment, sans s'y attendre, on a de la sympathie pour elle….

Dans le film, Hélène s'engonce dans sa solitude et peine à communiquer avec son époux. Le manque de communication est-il la cause de nos problèmes ?
Bruno Solo : La déformation de la communication l'est. Parfois, les gens feraient mieux de fermer leur gueule ! Quand je vois le nombre de "haters" qui s'expriment sur n'importe quel sujet avec des réactions imbéciles, je pense que la technologie est peut-être trop en avance par rapport à notre capacité à garder notre sang-froid. Je joue au vieux con et au jeune sage, pourtant il m'arrive aussi de péter les plombs... mais pas dans le cadre d'Internet, puisque je ne suis pas sur les réseaux sociaux. 

Est-ce un choix ?
Bruno Solo : Oui, c'est un choix, un peu par flemme de me sentir obligé de tout commenter. Relayer systématiquement mes photos de vacances ne m'intéresse pas, donc je vis en marge. Cela ne m'a ni empêché de travailler, ni d'avoir la petite notoriété qui est la mienne. Je sais que parfois, les gens réagissent très durement et violemment sur mes propos, mais comme je ne le sais pas, cela fait "Pschiiit" et ce n'est pas repris. Il y a sûrement un peu de lâcheté et de crainte de ma part, mais je l'assume.

"J'ai bien gagné ma vie avec Caméra Café"

Vous avez débuté votre carrière dans des comédies. Aujourd'hui, vous vous dirigez vers un registre plus dramatique et plus télévisuel...
Bruno Solo : Lorsque j'ai commencé à avoir le choix, j'ai eu envie de diversifier mon travail. Je savais que j'étais capable de défendre des rôles plus "dramatiques", mais on ne me donnait pas forcément l'occasion de le faire. J'ai refusé pas mal de rôles de comiques qui ont un peu marché mais qui m'ont cassé les pieds : j'ai eu ce luxe car j'ai bien gagné ma vie avec Caméra Café, qui m'a mis à l'abri pendant un petit moment… maintenant c'est un peu plus délicat, mais j'ai su gérer tout ça en bon père de famille. Aujourd'hui, le cinéma me manque. Visiblement, je ne lui manque pas assez pour qu'il l'entende (rires). Comme je suis très impatient dans la vie, mais pas dans mon métier, j'attends. Récemment, j'ai tourné L'enfant que je n'attendais pas avec Alix Poisson, un téléfilm sur le déni de grossesse, qui va passer sur France 2. Je sais que le cinéma ne m'aurait pas présenté ce rôle. La télé me l'a proposé, donc je prends ! (rires)

Vous avez tourné ce téléfilm pendant le tournage de Tout Contre Elle
Bruno Solo : Tout à fait ! J'apprenais mes textes pour le lendemain, et en même temps, je regardais les rushs dans ma chambre. C'était une période assez dingue parce que le film était assez prenant et poignant, et le soir il fallait que je regarde les rushs de Tout Contre Elle, que j'appelle le réalisateur, etc.

Cela ne vous laissait pas beaucoup de répit…
Bruno Solo : Le répit, je m'en fiche un peu (rires) ! Quand je suis dans l'action, j'y suis à fond, quand je n'y suis pas, je suis tout à fait capable d'être oisif. J'adore l'idée de ne rien faire, mais quand je suis pris par des projets, je ne sais pas ce qu'est la fatigue. Quand je faisais Caméra Cachée, j'étais un peu cher, certes, mais j'étais tout le temps à fond !

Découvrez Tout Contre Elle, réalisé par Gabriel Le Bomin, produit par Bruno Solo, avec Astrid Whettnall, Sophie Quinton et Patrcik Timsit, le 12 avril à 20h50, sur Arte.