Gérard Miller : "La mort de Lady Di était pratiquement annoncée"

Dans son documentaire "Lady Di, la femme qui s'était trompée de vie", le psychanalyste Gérard Miller retrace le parcours de la Princesse de Galles et cherche à comprendre comment la jeune Diana Spencer, douce et docile, s'est transformée en Lady Diana, la Princesse qui tape du poing. Il nous explique son cheminement.

Gérard Miller : "La mort de Lady Di était pratiquement annoncée"
© Marechal Aurore/ABACA

"Lady Di, la femme qui s'était trompée de vie", ou le portrait d'une femme dont le destin était presque scellé. Gérard Miller, le très médiatique psychanalyste, écrivain et réalisateur, décrypte le parcours de celle que l'on surnommait la princesse des cœurs, et dont le conte de fées s'est transformé en mauvais rêve. Le documentaire, réalisé par Gérard Miller et Anaïs Feuillette, est diffusé mercredi 23 août, à 20h50, sur France 3. 

Votre documentaire s'appelle "Lady Di, la femme qui s'était trompée de vie". C'est-à-dire que Lady Di aurait pu être heureuse si elle n'avait pas épousé Charles et intégré la famille royale ?
Gérard Miller : C'est toujours difficile d'imaginer un autre destin que celui que les gens ont eu. Dans le cas de Diana, on peut penser que les deux années les plus heureuses de sa vie ont été celles qu'elle a passées à Londres entre 18 et 20 ans. Elle n'était pas encore dans les griffes du Palais. Elle a vécu avec des copines dans un appartement, multiplié les petits boulots : baby-sitter, femme de ménage et notamment assistante maternelle dans l'école où Charles est allé la chercher. On peut imaginer que sans ça, elle serait restée à s'occuper d'enfants, et aurait attendu un amoureux. C'était une jeune femme sans grande ambition professionnelle ou personnelle, qui n'avait pas fait d'études et qui avait simplement envie de profiter de la vie. Oui, elle aurait peut-être pu être heureuse …

Ses souffrances auraient pu être atténuées...
On peut imaginer que comme tout un chacun, elle aurait essayé de surmonter ses propres démons. C'est vrai qu'elle était très mal barrée, mais nous, psychanalystes, on arrête pas de croiser des gens mal barrés qui s'en sortent.

A première vue, Lady Di a tout d'une Princesse : le charme, la douce naïveté, la compassion. Qu'est-ce qui l'empêche comme les autres princesses, d'être "heureuse jusqu'à la fin des temps"`?

Il ne faut pas surestimer le bonheur des princes et princesses. La différence, c'est qu'elle était simplement plus humaine que ceux qu'on voit à Buckingham. Elle était moins robotisée, et l'éducation qu'elle avait reçue, qui était certes une éducation d'aristocrate, ne l'avait pas formatée comme Charles, Andrew et les autres rejetons royaux. Dans le film, on explique qu'elle n'a pas réussi à faire ce que font les membres de la famille royale : masquer ses émotions. La famille royale est composée de zombies. Les gens capables de cacher leurs sentiments sont extrêmement rares. Imaginez la prouesse que réalise la Reine d'Angleterre. C'est une championne de l'hypocrisie.

Lady Di est passée de la fille docile à la femme rebelle. A-t-elle toujours eu ce ce côté "indiscipliné" ou s'est-elle endurcie au gré des souffrances subies au Palais ?

Elle s'est opposée au Palais. Mais elle n'était pas une révolutionnaire ni une insoumise. Elle ne cherchait pas à changer le système. Elle reprochait à la Monarchie de l'empêcher d'être heureuse et de vivre ce qu'elle avait envie de vivre. C'était une rebelle très égoïste, même si elle avait un grand cœur et qu'elle témoignait d'une sympathie beaucoup plus vive que la plupart des femmes de cette aristocratie. Mais sa rébellion était particulière, assez homogène à ce qu'était l'Angleterre de la fin du siècle dernier, où l'individualisme devient de plus en plus marqué. Je crois qu'elle a toujours été très individualiste. Arrivée à la cour d'Angleterre, elle a d'abord pensé qu'elle pourrait mieux s'en tirer que Camilla. Elle était plus jeune, plus jolie, et elle allait donner à l'Angleterre le futur Roi. Puis elle a vite déchanté. Elle s'est rebellée parce qu'elle n'arrivait pas à être princesse comme elle l'aurait aimé. Elle n'a jamais voulu divorcer, lorsque cela a empiré.  Elle voulait rester Princesse de Galles, donc c'est quand même une rébellion bien circonscrite.

Est-ce par crainte de ne plus être sous les projecteurs et de perdre l'admiration de ses fans qu'elle ne souhaitait pas divorcer ?

Ne plus être Princesse de Galles lui aurait sans doute fait perdre une partie de cette notoriété qu'elle appréciait tant. D'ailleurs, elle a bien négocié le divorce, puisque le titre de Princesse devait lui être retiré, ce qui n'a pas été le cas.

L'amour du public compensait-il l'absence d'affection de la part de Charles ?

Je ne sais pas si elle avait le sentiment d'avoir gagné aux changes, ce qui est sûr, c'est qu'elle a aimé la notoriété, la célébrité invraisemblable qui est la sienne, et elle en a joué. Il y a de très nombreux exemples de ce que l'on peut appeler des moments de manipulation de la presse, la sublime photo où elle se tient sur la bateau de Dodi Al-Fayed, l'âme en peine, tout au bout d'un plongeoir… C'est photo est faussement volée.

Est-elle parvenue à faire abstraction de sa mésentente avec Charles pour s'accomplir en tant que mère avec William et Harry ?

L'un n'empêche pas l'autre, mais nous montrons dans le film qu'elle a joué un jeu inquiétant avec ses enfants, puisqu'elle a souvent empêché Charles de les voir après leur séparation. Peut-être craignait-elle qu'on lui enlève William et Harry. Sa propre mère, battue par son mari, chassée, répudiée, n'a plus eu le droit de voir ses enfants, tout ça parce que le père était plus puissant que la mère. Diana gardait certainement cette crainte.

Avant de se marier, Lady Diana a hésité. Se doutait-elle du quotidien difficile qui l'attendait, ou pensait-elle réellement trouver le bonheur ?

La soeur aînée de Diana a eu une liaison avec Charles. Sans aucun doute, elle lui a parlé de Camilla, puisque celle-ci avait fait capoter les aventures de Charles avant son mariage. Donc, elle connaissait l'existence de Camilla et a pensé qu'elle arriverait à la vaincre. Diana est une victime d'un système atroce et de gens épouvantables, mais qui en savait long sur ce qui l'attendait. Elle a grandi au coeur d'une aristocratie resplendissante, et a vu ce qu'était son père : une brute, qui cognait sa femme et se tenait mal. Elle n'était pas naïve. La veille de son mariage, Diana s'est rendue compte que cela capotait. Elle dit qu'elle a passé son voyage de noces à dormir… Ce qui ne laisse pas beaucoup de place pour l'optimisme. Les hostilités ont commencé à fleurets mouchetés, puis en bazooka. Lui, n'a jamais voulu faire les confessions qu'il aurait peut-être dû faire. Après tout, il a été constant dans cette histoire d'amour avec Camilla.

Une histoire d'amour qui a survécu aux obstacles…

C'est une relation très forte. Sauf que souvent, dans les histoires d'amour, il y a des victimes. Dans le cas de Roméo et Juliette, ce sont les intéressés qui meurent. Dans le cas de Charles et Camilla, Diana ne survit pas. Il est intéressant de remarquer que dans les histoires d'amour, il y a du sang sur le carrelage.

Selon vous, sa mort précoce était-elle prévisible ?

Dans son histoire personnelle, quelque chose rapprochait certainement Diana de la mort. Au-delà de ses tentatives de suicide, je crois qu'il y avait chez elle quelque chose de profondément suicidaire. La dernière année de sa vie se lit à la lumière de cette mort tragique. Se rapprocher de la famille de Dodi Al-Fayed, et la nuit de l'accident, se retrouver dans cette voiture insensée, pas conduite par un professionnel, c'était une voiture pourrie, qui roule à 130km/h dans Paris… Quelque chose l'amène à la mort. C'était pratiquement annoncé.

Mais lorsqu'elle a commencé à prendre des amants, à tomber amoureuse, n'était-elle pas prête à goûter au bonheur ?

C'est vrai qu'elle est tombée amoureuse de Hasnat Khan, qu'elle a pensé qu'une autre vie commençait, qu'elle deviendrait femme de médecin, et irait parcourir avec lui le monde pour des causes humanitaires. Son cœur n'était pas éteint. Mais cet amour était compliqué, c'était une famille musulmane pas spécialement ouverte, un type qui n'avait pas l'air d'apprécier beaucoup la vie qu'elle menait… On tombe amoureux de qui on peut, mais elle n'a pas choisi le plus facile. Diana croyait au bonheur, mais son inconscient n'y croyait pas beaucoup. En général, c'est l'inconscient qui gagne, donc cela s'est mal terminé.