J'ai Perdu Mon Corps, un diamant d'animation
Récompensé à Cannes par le Grand Prix de la Semaine de la critique, Cristal du Meilleur long-métrage et Prix du Public du 43e Festival d'animation d'Annecy, "J'ai Perdu mon Corps" de Jérémy Clapin sort au cinéma le 6 novembre. Son récit, sublime et mélancolique, fait sensation.
Affirmons-le d'entrée et sans détour : J'ai Perdu mon Corps est probablement le meilleur film d'animation français de cette décennie. Une espèce de miracle en marche qui illumine les coeurs de sa flamme vive et mélancolique. Présenté en compétition à la Semaine de la Critique du Festival de Cannes, ce premier long-métrage de Jérémy Clapin, diplômé de l'ENSAD (École nationale supérieure des arts décoratifs), navigue sur deux fleuves qui, immanquablement, appellent à se rejoindre. Dans le premier, Naoufel, un livreur de pizza triste comme les pierres, tombe amoureux de Gabrielle en foirant sa commande. Dans le second, une main coupée, pareille à un fantôme têtu, s'évade d'un laboratoire et entame une course effrénée dans un Paris plus vrai que nature dans le but de retrouver son proprio.
Des fragments d'humanité
Avec une précision narrative métronomique, Clapin fait converger l'onirisme et le réalisme, les souvenirs et le moment présent… Une orchestration, proche d'une symphonie -la musique de Dan Levy est d'ailleurs somptueuse-, qui enserre littéralement les sens et emporte le spectateur dès la première séquence prémonitoire. Ou quand le père du héros explique à son fils comment attraper une mouche. Par la singularité de son récit et de ses richesses mémorielles, J'ai perdu mon corps se démarque du tout-venant, offrant à vivre une expérience organique qui élève l'esprit. C'est le souffle coupé qu'on assiste en effet au combat de cette main -contre trains, rats ou pigeons- prête à tout pour retrouver son propriétaire. Et, par effet de miroir, à celui de Naoufel, qui lutte contre ses démons, essayant de ne plus être un spectre de sa propre vie.
Récit fragmentaire au découpage vertigineusement réussi, propice à de délicieuses errances psychiques, cette oeuvre d'une beauté graphique folle marque la naissance d'un artiste au talent monstrueux. Jérémy Clapin entremêle avec aplomb et élégance le fantastique et la romance (la séquence de la rencontre est magique), le drame et la comédie (quelques situations gagesques font leur effet). Ce mélange des genres et des tonalités, associé à un jeu de temporalité passionnant, constitue un bonheur de tous les instants. Jamais J'ai Perdu mon Corps ne perd de vu notre sensibilité. Mieux : il engage avec nous une conversation qui dure après le visionnage. Un pari réussi haut la main !