Psychologie : quelle automobiliste êtes-vous ? Parole de Psy
Jean-Pascal Assailly, psychologue et chercheur en sécurité routière, répond aux questions du Journal des Femmes sur le comportement des automobilistes.
Comment expliquer cette différence sexuelle au volant ?J.P Assailly : Trois grandes pistes peuvent être évoquées, à commencer par la piste biologique : l'influence de la testostérone notamment sur la prise de risque, l'agressivité, car les " logiciels " biologiques sont à l'évidence différents entre les hommes et les femmes... Mais il y a également la piste psycho-éducative : l'adhésion aux stéréotypes de sexe. Les différences d'attitudes entre hommes et femmes révèlent les stéréotypes liés aux rôles sexuels et plus généralement ce que l'on
appelle l'identité de genre, c'est-à-dire le sexe psychologique ou psychosocial (et non pas seulement biologique) ; chacun de nous, homme ou femme, se situe à un certain degré d'un gradient masculinité/féminité."Chacun de nous, homme ou femme, se situe à un certain degré d'un gradient masculinité/féminité".
Etre un homme est donc un facteur de risque ?
J.P Assailly : Dans le champ sécurité routière, divers travaux ont bien montré la relation entre l'identité sexuée, les attitudes vis-à-vis du risque et le comportement dans la circulation (association entre l'indice de masculinité et le caractère compétitif et de la conduite). Ce n'est pas tant le fait d'être un homme en soi mais la masculinité et notamment la masculinité trop importante qui est le réel facteur de risque. Ces effets des stéréotypes de sexe sur la prise de risque apparaissent très tôt chez les individus (dès 3 ans).
Les parents ont-ils une influence dans cette différenciation sexuelle ?
De nombreuses études ont montré comment les parents sont des agents majeurs de la différenciation sexuelle, notamment dans la manière dont ils contrôlent et supervisent les prises de risques physiques de leurs garçons et de leurs filles et, dans une perspective préventive, il conviendrait d'analyser et de travailler sur les croyances des parents dans ce domaine.
Y a-t-il une autre piste pour expliquer ces différences de comportement au volant ?
Oui. Il y a enfin la piste anthropologique. Si nous allons chercher une piste explicative du côté de l'anthropologie, c'est que la différence sexuelle se maintient aujourd'hui dans bien des domaines (route, produits psychoactifs, agressions, etc.), alors que de nombreuses forces sociétales (évolutions considérables de la place, du statut, des rôles, des
comportements, etc., des femmes depuis un demi-siècle) ; si, malgré cela, la différence se maintient, c'est que " quelque chose " de très profond se maintient dans l'un et l'autre sexe pour faire perdurer la différence...
Depuis la fin des temps, un " partage du travail " s'est opéré au sein des groupes humains entre hommes et femmes : aux hommes a été confiée la " maîtrise de l'outil ", et ces outils ont pu être des armes pour les activités assurées par les hommes (la chasse, la lutte contre les prédateurs ou les ennemis) ; aux femmes a été confiée la " maîtrise de la relation " du fait d'une des activités principales assurées par les femmes : élever les enfants, donc se préoccuper de leur santé, de leur sécurité, modérer leurs prises de risque, modérer les agressivités des mâles dominants à leur égard, afin aussi d'assurer la survie de l'espèce..., bref en un mot... le souci de l'autre." Quelque chose de très profond se maintient dans l'un et l'autre sexe pour faire perdurer la différence"
Dans l'inconscient collectif dont parle Jung, cette dimension sera donc plus prégnante dans les psychés féminines, et elle a plutôt vocation à diminuer la prise de risque (les siennes et celles d'autrui) alors que, à l'opposé, l'outil " culte " du XXe siècle... la voiture... a pu donc générer des attitudes trop passionnées, voire libidinales, chez les sujets masculins... Le fait que les hommes se consacrent plus à élever et soigner les enfants aujourd'hui pourrait être une source de progrès dans ce domaine...