Inès, 26 ans : "Je suis accro aux sex friends"

Une première, une deuxième, une troisième… Inès enchaîne les relations sex friends dans lesquelles elle se sent bien. Mais à force, sa vie sentimentale s'est effacée et elle cherche toujours le nouvel ami avec qui elle pourra passer du bon temps. Pour combler un vide ? Pour ne pas prendre le risque de souffrir ? Témoignage sans filtre.

Inès, 26 ans : "Je suis accro aux sex friends"
© Katarzyna Białasiewicz

Les sex friends, j'en ai eu beaucoup et continue d'en avoir. À côté de cela, ma vie sentimentale s'est effacée. Les sex friends prennent toute la place, je suis devenue accro, j'ai toujours besoin d'une relation de ce type, entre amour et amitié, qui mêle sexe et complicité. Pourtant au fond, j'aimerais vivre une grande histoire mais c'est comme si désormais, je m'étais habituée à combler un vide par une succession d'amourettes amicales. Sans être pessimiste, comment trouver la bonne personne ? Cela me paraît impossible : tomber sur quelqu'un qui nous plaît et à qui l'on plaît en retour, ça demande beaucoup de chance ! Le défi me paraît peut-être si gros que je me contente de moins : tomber sur un ami avec qui ça dérape et faire l'amour avant ou après un ciné, c'est bien plus simple.

"Au départ, je cherchais des sex friends dans l'espoir qu'ils se transforment en amour"

J'ai longtemps cru qu'une simple histoire de sexe avec un ami pouvait se transformer en une jolie histoire d'amour. Si c'était la porte d'entrée pour trouver le prince charmant, pourquoi pas. Les amis, on les connaît, l'approche est plus simple, il n'y a qu'une petite étape à franchir... Tout démarre généralement sur une note d'alcool : un verre de trop et c'est parti. Le premier, c'était un ami de fac, JF, que je connaissais depuis quelques mois et qui me plaisait bien. On était en soirée, on parlait, on trinquait et on a fini dans son lit. Je n'ai rien contrôlé, je me suis laissé aller, je le trouvais beau, fort, séduisant. La nuit était agréable – même si je sentais bien qu'il se contenterait d'une amitié même si j'espérais le faire changer d'avis à la longue – et on a remis le couvert. Ça a duré comme ça pendant six mois, on n'en parlait à personne. C'était excitant de vivre dans le secret. On se faisait des confidences sur l'oreiller des nuits entières... mais moi, j'étais tombée amoureuse.

Plus je lui envoyais des signaux pour lui faire comprendre que je voulais davantage, plus il m'évitait. Alors un soir, dans son lit, je lui ai dit qu'il fallait que l'on arrête car je voulais plus et que ça me peinait. On s'est perdu de vue six mois, je suis partie faire mes études à Barcelone, et puis en revenant, on s'est croisés, notre amitié a repris… notre relation de sex friends aussi. Entre temps, j'avais guéri de tout ça, j'avais fait le deuil d'une éventuelle relation sérieuse avec lui, et même avec d'autres (ils sont où bon sang ?). Mais j'étais bien dans ses bras et je me disais que  l'on pouvait bien s'apporter un peu de douceur de temps en temps pour rendre la vie un peu moins grise.

"Le sexe pour le sexe ne m'intéresse pas, j'ai besoin d'une complicité"

C'est comme ça que j'ai commencé à chercher de la douceur un peu partout. Les conquêtes ont défilé – on est ami, on boit, on refait le monde et on glisse dans un lit – et ça se passait comme avec JF : les relations ne se transformaient pas en histoire durable. Peu importe, je ne m'y attendais plus. Je prenais simplement plaisir à passer du bon temps, à partager de la tendresse. Mes rêves de prince charmant au placard, je trouvais mon compte dans ces relations de sex friends. Le risque de souffrir est moindre : c'est peut-être ma façon à moi de me protéger aujourd'hui. Je ne trouve pas l'amour mais je le comble sans risquer de briser mon petit cœur. 

Ma seule condition, c'est de déjà se connaître. Le sexe pour le sexe, ça ne m'intéresse pas. Pour passer une (ou plusieurs) nuits chouettes, et me sentir à l'aise, j'ai besoin de me sentir proche de la personne, en confiance, sentir qu'il y a un profond respect entre nous. Quand ça glisse, c'est un jeu cadré, dans un terrain connu. Et si ça se passe bien, si notre complicité de tous les jours se retrouve sous la couette, alors en effet, on remet le couvert dans les semaines qui suivent et il m'arrive… de dîner avec plusieurs en même temps.

"Parfois, coucher avec un ami est une vraie connerie"

À côté de ça, de ce glissement plutôt naturel où nous sommes l'un et l'autre tenus d'un désir qui se réveille dans un contexte de soirée, il y a ce que j'appelle les accidents de parcours, c'est-à-dire des relations que je n'ai pas vraiment voulues – bien que je me sois laissée tentée – et qui ont duré une unique nuit parce que c'était une vraie connerie. On ne devient pas sex friends avec le premier ami venu, disons. 

J'ai toujours été très proche de Julien, rencontré au lycée. Je le voyais comme le "petit Julien", avec sa bouille d'ange, à qui je confiais tout. Puis nos chemins se sont séparés jusqu'à une soirée, trois ans plus tard. Le choc : il faisait un mètre quatre-vingt, des épaules de Dieu Grec, une barbe de trois jours, une voix sexy. Il m'a fait du rentre-dedans toute la soirée, on ne se connaissait plus vraiment, j'ai cédé à ses caresses dans l'optique d'une nouvelle relation sex friend, je me suis retrouvée chez lui et là, en un mot : l'horreur !

La réalité m'est revenue d'un coup en plein visage : c'était Julien, mon ami d'enfance, haut comme trois pommes, imberbe… Je n'ai pas réussi à supprimer cette image de nous à 13 ans durant notre étreinte et je suis partie à sept heures du matin, discrètement. Quelque chose a changé entre nous, peut-être à cause de l'ancienneté de notre relation et du degré de proximité. Je ne suis pas certaine qu'une erreur comme celle-ci gâche vraiment la relation, mais puisque ça ne colle pas, que ça manque de naturel, qu'on ne se projette pas dans un plaisir sexuel à "entretenir", ça casse par la suite le petit jeu de séduction que l'on pouvait avoir, ou tout simplement le jeu de tendresse. On n'ose plus, on ose moins. Alors que si coucher ensemble se fait sans souci, on continue après, même sans sexe, d'être complices. On l'est même davantage je dirais. C'est ce qui m'est arrivé avec Damien, que je consolais parce que ça n'allait pas du tout dans son couple et qu'il était paumé dans ses études. Un soir, tout a dérapé. C'était un rapport tendre et respectueux, on a remis ça deux ou trois fois, et c'est devenu un de mes meilleurs amis. Le sexe nous a rapprochés.

"Je cherche toujours l'amour mais les sex friends ont pris toute la place"

Que le sexe avec un ami rapproche, éloigne, réconforte… Je ne dis pas non à mes rêves de gamine. Je cherche le prince charmant, c'est un fait. Je l'ai cherché dans beaucoup d'amis, j'ai compris qu'ils ne s'y trouvaient pas, et puisque je ne sais pas où le rencontrer, que je ne préfère pas me poser la question face à mes amies qui se casent une à une, je continue ma petite vie de sex friends, j'en ai besoin, je n'arrive plus à m'en passer. Ce ne sont que des relations de confiance - avec certes le risque que ça ne fonctionne pas comme avec Julien – de tendresse, de bon temps. Sans ça, mon vide me sauterait à la face.

Mais que dois-je faire ? Stopper ces relations et me confronter à moi-même ? Tant que le plaisir est là dans des bras connus et enveloppants, je n'arrive pas à abandonner l'idée que je vais me priver de ça. Je continue, mais est-ce que je m'empêche de m'ouvrir aux autres ? Est-ce que sur mon front il est écrit que je couche facilement ? Que je suis à moitié en couple ? Je n'en sais rien. Peut-être que je devrais tout simplement assumer : et si la vie était faite de jeux, de relations amicales sexuelles parfois éphémères, parfois moins, qui réconfortent tout en faisant vibrer ? Et si ça me correspondait bien plus qu'une relation quotidienne ? En une question : suis-je faite pour ça, parce que c'est l'idéal, ou est-ce que je me mens ? L'avenir me le dira. Je vous laisse, faut que j'appelle un ami.