Mariée, 3 enfants... Stéphanie a tout quitté pour une femme

Stéphanie se sépare de son mari avec qui elle a eu trois enfants. Son amie Laetitia l'épaule dans ce moment difficile. Des sentiments amoureux naissent...

Mariée, 3 enfants... Stéphanie a tout quitté pour une femme
© 123rf

J'ai été professeur de danse pendant plus de dix ans. Au sein du cours pour adultes, les amitiés se tissaient rapidement. C'est comme ça que j'ai rencontré Laetitia. Mes liens avec elle étaient plus forts qu'avec les autres "élèves". Laetitia m'était d'un grand soutien dans la préparation des spectacles de fin d'année. Elle venait chez moi, on bossait, on riait aussi. En 2007, alors que je fêtais mes 32 ans, mon mari et moi avons pris la décision de nous séparer après 13 ans de vie commune et trois merveilleux enfants. Je pensais ne jamais me relever. Laetitia m'a énormément épaulée. Nos rendez-vous en dehors de la danse étaient de plus en plus fréquents et rythmés de confidences. J'en avais besoin. Des sentiments nouveaux sont apparus mais uniquement de mon côté. Laetitia n'en était pas là du tout. J'arrivais à poser des mots sur ce que je ressentais. Ça ressemblait de près à de l'amour et je lui en ai fait part.

Je lui ai dit que je l'aimais un peu trop, elle m'a répondu que je devais faire un transfert

Je lui ai dit que je l'aimais un peu trop et elle m'a répondu que je devais faire un transfert, que ce n'était pas grave et que les choses allaient rentrer dans l'ordre. Elle ne se protégeait de rien, son analyse tenait la route. Nous n'avions jamais vécu de relation lesbienne et nous étions toutes les deux mères de famille. Pour autant, je ne me sentais pas normale. J'avais l'impression de me préparer pour un rendez-vous amoureux comme avec un homme à chaque fois que j'allais la voir alors que j'allais simplement voir celle qui était devenue ma meilleure amie. Je tentais de refouler mes sentiments mais ce n'était pas simple. J'ai passé des semaines à pleurer suite à ma séparation, je dormais chez elle le temps que mon mari trouve un appartement et je rentrais au petit matin m'occuper des enfants. Un soir, l'alcool aidant, je l'ai embrassée.

C'était le baiser le plus long de tous les temps.

Je n'ai pas réfléchi. Elle n'a pas refusé mon baiser. Et c'était le baiser le plus long de tous les temps. On en a beaucoup discuté après. On aurait pu penser que c'était une erreur, un verre de trop, mais non. Une relation amoureuse a démarré. Je savais que cela durerait et pourtant, je préférais me l'interdire. Mais c'était impossible de lutter. Nous n'avons jamais fait marche arrière. J'étais terrorisée, sur tous les plans. Je n'étais pas épanouie dans une vie sexuelle hétéro et je savais encore moins comment faire avec une femme. J'étais perturbée de ressentir le même désir sexuel que pour un homme. Laetitia a beaucoup moins d'états d'âmes que moi et a vécu l'expérience de façon très naturelle et spontanée. Nous avons eu très rapidement des rapports sexuels, il n'a pas fallu beaucoup de temps pour franchir le cap. La première fois était délicieuse. J'ai pris du plaisir et je savais pertinemment que j'empruntais à ses côtés un chemin que je ne quitterais pas. 

Je voulais qu'on se cache.

Cependant, je voulais qu'on se cache, notamment à la danse. Il fallait que cela reste platonique aux yeux des autres et que personne n'imagine que notre relation dépassait le stade une amitié très fusionnelle. J'étais sûre de mes sentiments mais le regard des autres avait trop d'emprise sur moi. Laetitia avait moins peur, elle n'en faisait pas un problème, même si nous avons décidé d'être le plus discrètes possibles tant que nos enfants n'étaient pas au courant. Quand mon mari a déserté la maison, je lui ai dit que j'étais avec Laetitia depuis un mois. Il a réagi avec bienveillance et m'a que personne n'était à l'abri de ce genre de chose. Il n'a eu aucun préjugé.

Laetitia a également quitté son mari. Il avait deviné notre relation en observant notre complicité et a été très compréhensif. On a alors exposé notre relation à nos enfants. Ils l'ont très bien vécue. Ils se connaissaient déjà, étaient complices et partageaient beaucoup. Notre relation n'a fait que renforcer leurs liens en y ajoutant les désagréments et aléas d'une fratrie classique dès que nous nous sommes installées ensemble mais sans rapport avec notre homosexualité. Tout se passait bien en famille, sous le même toit, mais il restait la question de notre entourage, et plus globalement de l'extérieur, à résoudre.

J'ai perdu mon emploi, le club de danse se vidait parce que j'étais homosexuelle.

Nous avons sauté le pas et cela a été très compliqué. J'ai perdu mon emploi de professeur de danse. Dans le village, les rumeurs allaient bon train. On préférait m'éviter, le club se vidait parce que j'étais homosexuelle. Nous avons déménagé loin de chez nous. Mes parents et mes sœurs ont également été très durs avec moi. Pour eux, je foutais ma vie en l'air. Cette période a été atrocement difficile. Je doutais sans arrêt. Parfois je me sentais prête à renoncer à la femme de ma vie, je m'imaginais retrouver mon traintrain quotidien afin qu'on me foute la paix. Laetitia m'a aidée à tenir bon, elle refusait que l'on se plie aux remarques désobligeantes. Il nous fallait tenir tête et laisser notre amour s'exprimer et triompher. Mais pendant des mois, on a dû accuser une série de propos blessants. Nos ex maris nous ont également beaucoup soutenues et ont été très présents pour nos enfants.

Nos ex maris nous ont beaucoup soutenues.

Notre noyau était notre bulle, j'en avais besoin pour ne pas flancher. Aujourd'hui, cela fait dix ans que nous sommes ensemble et 3 années que nous sommes mariées. Il y a 8 ans, je pensais déjà à avoir un enfant mais Laetitia ne voulait car nous avions déjà 5 enfants à éduquer. Et puis je reprenais mes études, la charge de boulot était conséquente. On a laissé passer un peu de temps. L'année dernière, elle m'a demandé si je voulais toujours avoir un enfant avec elle. Nous avons d'abord pris rendez-vous avec un spécialiste en PMA qui nous a prescrit tous les bilans de fertilité à faire avant de s'engager dans la démarche auprès d'une clinique en Espagne. Malgré des résultats de fertilité très satisfaisants à mon âge, les femmes de plus de 38 ans sont traitées en protocole FIV uniquement. Nous avons alors tenté mais cela s'est soldé par un échec. A cause du coût, Laetitia s'est renseignée sur d'autres méthodes que la FIV et nous sommes tombées sur une banque de sperme au Danemark avec laquelle nous ferons nos prochaines tentatives d'essai bébé...