Angoisse de séparation : à quel âge, comment rassurer bébé ?

L'angoisse de la séparation, appelée aussi "angoisse du 8e mois" est une étape clé dans le développement du bébé, qui va se mettre à pleurer dès que l'un des parents s'éloigne de lui. Le docteur Catherine Dolto nous livre ses conseils pour mieux comprendre l'angoisse de séparation chez les petits.

Angoisse de séparation : à quel âge, comment rassurer bébé ?
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Votre bébé se met à pleurer dès que vous vous éloignez de lui, et pire encore, n'accepte plus les bras de papi et mami ? Ce comportement est typique de ce que l'on appelle l'angoisse de séparation ou "angoisse du 8e mois". Bébé devient alors un peu sauvageon, intimidé, et n'aime pas se faire porter par n'importe qui. Si papa ou maman n'est plus dans son champ de vision, c'est la panique assurée ! Ce passage normal et nécessaire pour l'enfant bouleverse toutefois ses repères. Comment gérer cette période et combien de temps dure-t-elle ? On fait le point avec le Docteur Catherine Dolto.

C'est quoi l'angoisse de séparation ?

Lors de l'angoisse de la séparation, "le bébé entre dans une période de maturation : il fait des progrès, commence à distinguer les personnes qui lui sont familières et celles qu'il ne connaît pas, et peut ressentir un sentiment d'abandon lorsque sa mère s'éloigne", explique Catherine Dolto, médecin et haptothérapeute.

A quel âge survient l'angoisse de la séparation chez le bébé ?

Généralement, c'est entre 8 et 9 mois qu'a lieu l'angoisse de la séparation. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle on l'appelle aussi l'angoisse du 8e mois. Surtout, cette période correspond à ce qu'elle a baptisé son "arriversaire" (l'anniversaire de son arrivée) : à cet âge-là, l''enfant a passé autant de temps à l'intérieur du ventre de sa mère qu'en dehors et peut exprimer par ses angoisses "l'anxiété et le stress de l'accouchement, qu'il a partagés avec sa mère et le "choc" qu'a été l'accouchement pour elle et lui", explique-t-elle. Pour l'enfant, le fait qu'il entre dans une période où le temps passé à l'extérieur est plus important que le temps passé à l'intérieur, représente "une véritable césure qui correspond en plus à une importante évolution interne. Or pour les humains, le nouveau est souvent générateur d'angoisses", ajoute-t-elle.

Pourquoi bébé est-il angoissé de la séparation à cet âge ?

Pour bien comprendre l'origine de ses inquiétudes, il est important de faire une corrélation entre l'âge de l'enfant (entre 8 et 9 mois) et le ressenti de ses parents entre le 8e et le 9e mois de grossesse (stress dû à l'accouchement, crainte de la césarienne, peur des complications médicales ou de ne pas assurer en tant que mère, peur du "maternal lag", etc.). Alors, "que ressentiez-vous lors de votre huitième mois de grossesse ? Du stress, des doutes, des craintes, de l'excitation ? Tout cela, le bébé l'a également perçu dans le giron maternel, et les séquelles, plus ou moins profondes, liées à ces peurs se révèlent 9 mois plus tard chez lui", explique la spécialiste.

"Le stress de fin de grossesse, les craintes et les doutes liés à l'accouchement... Tout cela, le bébé l'a également perçu dans le giron maternel, et les séquelles, plus ou moins profondes, liées à ces peurs se révèlent 9 mois plus tard chez lui"

Enfin, "on s'aperçoit que la jeune maman a tendance à enterrer ce qu'il s'est passé lors de son accouchement et cette amnésie, consciente ou non, peut ressurgir aux alentours des 9 mois de son bébé", c'est à ce moment-là que "la femme peut se confier sur les difficultés éprouvées lors de la mise au monde de son enfant" et que "le père ose enfin exprimer les craintes et les doutes qu'il a eus lors de l'accouchement de sa compagne". Et comme le bébé est bienveillant et a besoin que ses piliers soient solides, il réagit très logiquement "face au mal-être de ses parents". Il exprime, à sa manière, le malaise parental "comme s'il voulait les aider à réfléchir et à se souvenir..."

Combien de temps dure l'angoisse du 8e mois ?

Selon le mode de vie et le caractère de l'enfant, la durée de cette période est variable, allant d'environ 3 semaines à quelques mois. Mais l'angoisse du 8e mois peut tout à fait passer inaperçue chez certains enfants.

De la même façon, selon sa personnalité et ses habitudes, l'enfant traverse cette crise ni de la même manière ni avec la même intensité. S'il est naturellement craintif ou anxieux, l'enfant traversera plus difficilement cette période contrairement à un bébé sociable et engageant. De jour en jour, l'enfant va prendre conscience de sa propre identité et surtout, va réussir à "rétablir un bon équilibre et à faire avec le mal-être ou les problèmes de ses parents", explique la spécialiste. Quand il se sentira assez en sécurité et qu'il en aura compris quelque chose, il sera apte à gérer ses angoisses, qui s'atténueront jusqu'à disparaître.

Comment se manifeste l'angoisse du 8e mois ?

Pendant cette période, les réactions et le comportement sont propres à chaque enfant. On remarque selon les cas des bébés qui :

  • Ne vont pas supporter d'être portés par des bras étrangers
  • Pleurent lorsqu'ils sont séparés de leur maman et ce, même pendant quelques secondes.
  • S'agitent quand ils se retrouvent dans de nouveaux endroits
  • N'aiment plus prendre leur bain.
  • De nombreux parents rencontrent aussi des difficultés à endormir bébé à cette période. 

L'angoisse de la séparation perturbe-t-elle le sommeil de bébé ?

Difficultés à s'endormir, terreurs nocturnes, pleurs, cauchemars à répétition… Le sommeil est propice aux angoisses souvent liées à la peur de se séparer du monde extérieur ou à la peur de la mort. "Passer de l'état de veille au sommeil est un passage de seuil et le coucher peut être vécu comme une véritable séparation avec ses parents. Tous les passages de seuil de notre vie viennent, de manière souterraine, réveiller le grand passage de seuil de la naissance", confirme Catherine Dolto.

Que faire si bébé a du mal à s'endormir seul le soir ?

Si le soir, votre enfant peine à s'endormir ou qu'il se réveille la nuit, là encore, parlez-lui et rassurez-le "en lui disant des phrases très concrètes comme "nous sommes juste à côté de toi" ou "quand tu vas te réveiller, nous serons toujours là à tes côtés", conseille le Docteur, "et demandez-vous si vous n'avez pas peur de la "mort subite" : beaucoup de bébés se réveillent la nuit ou refusent de dormir uniquement pour rassurer leur mère", précise-t-elle. Par ailleurs, encouragez-le et "honorez le fait qu'il a été très courageux et vaillant le jour de sa naissance et qu'il n'y a aucune raison d'avoir peur de repasser un seuil comme celui du sommeil". Lire une histoire, chanter une berceuse ou prendre un bain juste avant de dormir permettront également de l'apaiser.

L'angoisse de séparation liée à l'accouchement ?

 

Si, hormis les pleurs liés à la faim, à la fatigue ou aux maux physiques (poussée dentaire, mal de ventre, rhume...), le bébé pleure ou témoigne d'une inquiétude, n'hésitez pas à lui reparler de votre accouchement (avec son père si possible), "ce grand jour qui fut accompagné d'angoisses et de beaucoup de stress", précise l'experte.

Parlez-lui du moment de sa naissance, car un accouchement peut s'être très bien passé pour la mère tandis que l'enfant a ressenti des difficultés. Pensez aux moments de séparation qu'il a pu vivre dans ses premières semaines. "Le temps du bébé paraît beaucoup plus lent que le nôtre : deux heures en couveuse où il ne reconnaît rien et ne retrouve aucun repère de sa vie d'avant, c'est comme un voyage sur Mars sans équipement psycho-affectif pour y faire face ! Et cela peut laisser des traces de sentiment d'abandon très fortes", ajoute-t-elle.

Au lieu de dramatiser la situation, voire de céder à la panique, installez-vous dans un endroit calme et racontez-lui vos doutes, vos craintes liées à la peur de le perdre, vos joies à l'idée de l'accueillir… et tout ce que vous avez ressenti au moment de sa venue au monde. En effet, "en exprimant ses angoisses, l'enfant témoigne d'un besoin d'entendre parler de ce grand jour", confirme le Dr. Dolto. Ne perdez pas de vue que pour être rassuré, votre enfant doit se sentir compris et doit percevoir "une cohérence entre vos mots et ce que vous ressentez : des paroles sincères, un ton doux et aimant ou une gestuelle calme et apaisée sont donc importants. Tout ce que l'on garde pour soi, l'enfant le ressent", ajoute-t-elle.

"En exprimant ses angoisses, l'enfant témoigne d'un besoin d'entendre parler du jour de sa naissance".

Que faire si l'angoisse de séparation survient au moment de l'adaptation à la crèche ?

Laisser son enfant à la crèche ou chez une assistante maternelle peut être un moment stressant pour l'enfant, d'autant plus si bébé est en période d'angoisse de séparation. N'ayant pas la parole, l'enfant peut se mettre en scène et essayer d'exprimer ce qu'il ressent par les gestes et les pleurs : il vérifie ainsi la force du lien et la capacité qu'il a à bouleverser sa mère. La spécialiste préconise de "faire confiance au professionnalisme et à l'expérience des employés de crèche et des puéricultrices qui vous aideront à vivre naturellement la séparation et qui sauront trouver les mots pour rassurer l'enfant"

Conseils : il est préférable aussi de ne pas vous absenter en toute discrétion, lorsqu'il dort par exemple et sans lui avoir dit au revoir, car cela risquerait de renforcer son inquiétude de savoir que vous pouvez disparaître sans qu'il soit au courant. A contrario, inutile de s'adonner à des au-revoir interminables. Optez aussi pour un doudou pour le rassurer. "L'objet transitionnel (ou doudou) n'est certes pas la solution miracle, mais il peut rassurer l'enfant", précise Catherine Dolto. Dans ce cas de figure, votre bébé a certainement du mal à intégrer le fait que même s'il ne vous voit pas, vous êtes toujours là : c'est ce qu'on appelle en psychanalyse "la permanence de l'objet" (l'objet reste présent psychiquement alors qu'il est visiblement absent). Les jeux de cache-cache ou le "coucou-caché" avec ses mains permettent à bébé de réaliser que, même si vous vous absentez, vous allez très vite revenir.

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