Corneille, crooner dans l'âme

C'est à l'Hidden Hôtel que le JournalDesFemmes a rencontré Corneille. Chanteur à la voix douce et aux textes profonds, l'artiste est revenu sur sa participation au deuxième album Forever Gentlemen mais aussi sur ses envies, sa carrière et sa vision de la musique. Rencontre avec un véritable esthète.

Qu'est-ce qui t'a plu dans le projet Forever Gentlemen ?
Corneille : Je trouve que les années 1950 sont synonymes de rêve aux Etats-Unis. Les crooners, le Hollywood de l'époque avec les comédies musicales, Sinatra, Sami Davis Junior, les films de Fred Aster, Ginger Rogers. C'était beau, c'était drôle, c'était léger. C'est en partie grâce à cet univers là que j'ai découvert une partie de l'Occident durant mon enfance au Rwanda. Je regardais les films et écoutais la musique de cette époque-là. Parfois les choses qui marquent notre enfance sont un peu prises pour acquis. Cela faisait quelques années que je pensais à un projet dans ce sens. Mais je ne savais pas si ça prendrait, si mon public comprendrait. Et quand cet album m'a été proposé, je me suis dit que c'était un signe du ciel. J'ai tout de suite accepté parce que je savais que ça n'allait pas être du boulot pour moi. Parce que depuis tout petit je fredonne ces chansons et parce que je savais que j'allais être en smoking pour chaque promo. Je savais que je ne prendrais que du plaisir donc je n'ai pas hésité. Et puis reprendre du Nat King Cole (premier interprète de L-O-V-E, chanson reprise entre autres par Corneille sur l'album ndlr), c'est que du bonheur. 

Tu n'as pas eu peur de reprendre des chansons d'artistes que tu admires ? Pas de trac ? Ni de peur de mal faire ?

Corneille : Bizarrement, plus j'ai d'admiration pour un artiste, moins j'ai de complexe à lui rendre hommage. Tout simplement, parce qu'il n'y a pas de comparaison à faire. On ne compare rien ni personne à Nat King Cole. Il a eu un tel impact sur sa culture et dans un contexte difficile pour lui, en tant qu'homme de couleur, dans les Etats-Unis de cette époque qu'il est impossible de me comparer à lui. Et je n'en ai pas du tout la prétention. 

Forever Gentlemen, Lady Gaga et son album jazzy avec Toni Bennett ou encore Lana del Rey avec son univers et son esthétique rétros... Penses-tu que le public avait besoin de ce retour à une musique plus "vraie" ?

Corneille : Je pense qu'il y a de la musique "vraie" à chaque période. Je pense surtout que les gens éprouvent une certaine nostalgie et surtout qu'ils ont besoin de "beau" et de choses légères. Aujourd'hui, je pense qu'on n'a pas envie de se prendre la tête mais plus de s'évader. A l'époque, les crooners étaient avant tout une bande de potes qui étaient sur scène en smoking pour un moment de partage et de plaisir. Les textes des chansons étaient légers et dépeignaient un monde plus beau qu'il ne l'était en réalité. 

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Corneille pour Forever Gentlemen 2.  © Renaud Corlouer

Te sens-tu l'âme d'un crooner ?

Corneille : Sans prétention, oui ! J'ai grandi avec des crooners. Et monter sur scène en smoking implique une manière de se tenir sur scène, de chanter et d'interpréter aussi. C'est aussi être dans le jeu. Dans le jeu de la séduction mais aussi dans la bonne humeur. Faut qu'il y ait du sourire pour que le public soit heureux pendant et après le concert. 

Est-ce que cet album est un moment charnière dans ta carrière ? La musique des années 1950 va-t-elle influencer tes prochains albums ?

Corneille : Ça va influencer mon art dans son ensemble. Après, je ne ferai pas de la musique de crooner en français. Tout simplement, parce que je pense que ce n'est pas cohérent. Cette expérience est une parenthèse dans ma carrière. Si je sors un album dans un ou deux ans et qu'après arrive un Forever Gentlemen 3, je serais ravi d'y participer encore une fois. C'est un peu ma bulle de légèreté dans ma carrière. Dans le cadre de l'esthétique, il est certain que je vais garder des influences de la musique des années 1950 à l'avenir. 

Cette année a été plutôt riche pour toi. Entre Forever Gentlemen et Danse Avec Les Stars. C'est difficile parfois de trouver du temps pour soi et de garder les pieds sur Terre ?

Corneille : Honnêtement, non. Cela fait 10 ans que je fais ça. Et ça fait dix ans qu'il y a des hauts, des bas. Et de nouveaux des hauts et des bas. Disons qu'aujourd'hui, je ne suis plus impressionné par l'aspect "succès" de ma carrière parce que j'ai accepté sa fluctuation. Je suis heureux de mon succès personnel parce que je conserve une certaine autonomie, une certaine liberté, mais surtout mon intégrité. Après les indices chiffrés qui bougent, ça fait partie du métier. Quand je fais des choses qui marchent bien, je suis content, je trouve ça cool. Mais j'essaie de ne pas perdre de vue ce que ça m'apporte personnellement. Danse Avec Les Stars a permis de me désinhiber, de me décomplexer. Aussi l'envie d'amener plus de vie et plus de danse dans mes clips et sur scène. 

Ton album "Parce qu'on vient de loin" est un repère pour beaucoup. On connait les chansons par cœur, on le réécoute... Finalement, c'est devenu un classique des années 2000. Est-ce que tu as conscience de ça ?

Corneille : Je commence à en prendre conscience et à réaliser la grande chance, le grand privilège d'avoir écrit des chansons à 23, 24 ans qui pour moi étaient avant tout un exutoire. Certes, j'ai envie de faire ce métier, mais j'ai aussi envie de dire un certain nombre de choses. Et me retrouver avec cet album qui a marqué énormément de gens, je trouve ça tout simplement extraordinaire, inouï. Et en fin de compte, c'est aussi une leçon d'humilité. Ça me fait me poser beaucoup de questions sur ce que je fais et ce que j'écris. Sur l'importance de faire des choses "vraies". Cet album a suscité de la pression. Je me suis souvent demandé "Comment je vais refaire ça ?". Aujourd'hui, j'accepte le fait que je ne peux pas reproduire "Parce qu'on vient de loin"(Wagram, 2007). Ce n'est pas possible. Je ne pourrai jamais refaire le même album. D'avoir fait un album qui compte autant, ça me touche profondément. 

 

L'album Forever Gentlemen 2 est disponible dans tous les points de vente agréés. 

Découvrez le clip L-O-V-E, avec Corneille, Claire Keim et Roch Voisine